Ciné-conférence Explorations dans la chaîne Trans Alaï, 3 février 2024, Forum des images, Paris 1er




Préparation expédition


Dans cette page sont présentés :

Introduction.

Informations sur l’expédition de 2019 :

- Choix d’un lieu de destination.

- Déroulement prévu.

- Projet de nom de baptême de sommet ou d'itinéraire vierge.

- Action d’entraide associée.

- Informations sur la chaîne Trans Alaï.

Annexes. Informations générales sur l’Asie centrale et le Pamir.

- Annexe 1. L’Asie centrale

- Annexe 2. Le Pamir

Bibliographie et cartes

 

                              Carte du Kirghizstan. Chaîne Trans Alaï (ellipse en blanc) : expéditions passées, et celle en projet en 2019.

Introduction

Du 28 août au 16 septembre 2019, je pars dans la chaîne Trans Alaï, aussi appelée crête Zaalayskiy, située au Kirghizstan en Asie centrale (voir annexe 1), et qui constitue la partie nord du massif du Pamir (voir annexe 2). 

Ce sera ma troisième expédition dans cette chaîne de montagnes. En 1994, j’y avais réalisé l’ascension d’un « 7 000 » relativement fréquenté, le pic Lénine (7 134 mètres), rebaptisé en 2006 pic Abu Ali Ibn Sina par le Tadjikistan. 

Puis, en 2014, je m’étais rendu dans la vallée Kichkesuu, vallée qui avait été jusqu’à présent peu explorée, située dans la partie est de cette chaîne Trans Alaï, à l’est de la route M41 – la route M41 rejoint, depuis la ville d’Och, le village de Sary Tash, et, plus au sud, un poste frontière avec le Tadjikistan situé au col de Kyzylart. Avec Nikolaï Totmianin (d’origine russe), après une tentative sur un sommet à l’entrée de la vallée, nous avions gravi un autre sommet vierge, situé en fond de vallée, à proximité de la frontière avec le Tadjikistan, que nous avions baptisé Véronique et Anna, et l’itinéraire Les 6 frères  : voir Carnet d’expédition 2014

Expédition que j'avais réalisée en 2014, chaîne Trans Alaï, au sein de sa partie Est, dans la vallée Kischkesuu.

Informations sur l’expédition de 2019

Choix d’un lieu

Fin 2018, émerge le projet de repartir dans le nord du massif du Pamir. Je pars alors en quête d’un de ces coins oubliés de la planète qui reste encore inexploré, tout du moins pas d’exploration connue. 

Mon choix portera finalement sur une vallée, appelée Altyn Daria, où coule une rivière du même nom, située dans la partie occidentale de la chaîne du Trans Alaï – longue d’une soixantaine de kilomètres orientée nord-sud, elle aboutit à son sud à la frontière avec le Tadjikistan. Elle regorge de sommets de plus de 4 000 et 5 000 mètres quasiment tous vierges. 

De l’Altyn Daria, à son sud et à son ouest, à proximité de la frontière tadjike, part une autre vallée, où coule une rivière appelée Bel Uluu. Cette dernière est alimentée par le glacier du même nom, et se jette dans la rivière Altyn Daria. Je n’ai trouvé aucune information d’exploration préalable sur cette vallée Bel Uluu. Le projet est de gravir au moins l’un de ses quatre sommets vierges de plus de 5 000 mètres.

Les informations sur la vallée Altyn Daria ont été trouvées principalement dans deux documents  : le récit d’une expédition de 1969, Nos amies les cimes de Jean Vernet, un livre aujourd’hui épuisé, et le Guide de l’alpinisme au Kirghizstan de Vladimir Komissarov — il a été traduit en langue française par Henri Lévêque, un Français qui connait bien le Kirghizstan, et que je contacterai ; ce dernier n’est jamais allé dans cette vallée, mais il saura me la recommander.

Par la suite je me suis plongé dans des cartes de la région, notamment : des cartes soviétiques au 1 /50 000 et 1/100 000, en précisant que ces dernières utilisent un système géodésique de référence, appelé Pulkovo 1942, différent du WGS 84 que nous utilisons habituellement — et par ailleurs les cartes spatiales que permettent de visualiser le logiciel Google Earth. 

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En 1961, des alpinistes soviétiques ont organisé une expédition sur le pic Lénine (7 134 mètres) pour marquer le centenaire de Lénine. Une équipe française y participait, dont Jean Vernet, alpiniste français. Ce dernier va en rédiger le récit dans Nos amies les cimes, cité ci-dessus : voir bibliographie, référence 1. Lors de cette expédition, avant de tenter l’ascension du pic Lénine, Jean Vernet était parti avec Piotr Petrovitch, un alpiniste soviétique, pour une excursion de quelques jours dans une vallée, appelée Altyn Daria. Située à l’ouest du pic Lénine et orientée nord-sud, elle aboutit à son sud à un col, le Ters Agar, à proximité de la frontière avec le Tadjikistan : voir p. 447 à 488 du livre de Jean Vernet. Le but de cette excursion était de se rendre au-delà de ce col, à Altyn Mazar, au nord de la rivière Muksu, rivière dont les eaux émanent du glacier Fedtchenko, un glacier géant de 77 kilomètres de long, un des plus grands de la planète.

Jean Vernet écrit : «  Elle est belle, farouchement belle, cette vallée de l’Altyn Daria, dans sa nudité. Dans l’échancrure des vallons glaciaires, de magnifiques sommets se voient à droite et à gauche. À quelles altitudes pointent ces cimes ? 5000 mètres?  » 

Outre cette interrogation sur leur altitude, ces sommets ont-ils été gravis ? Ces questions m’ont intrigué, et ces quelques pages de description de la vallée et de ses sommets, du col Ters Agar et de l’Altyn Mazar, ainsi que la proximité du géant glacier Fedtchenko m’ont bien attiré…

Mais nous sommes en 1969, qu’en est-il aujourd’hui, 40 ans après ? Cette vallée a-t-elle été visitée depuis, et ses sommets sont-ils toujours vierges ?

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Par ailleurs, le très riche Guide de l’alpinisme au Kirghizstan, de Vladimir Komissarov, traduit en français par Henri Lévêque, parle de « terra quasi incognita » concernant cette partie ouest du Trans Alaï : voir bibliographie, référence 2. 

« Si la crête orientale sino-kirghize est fréquentée épisodiquement ces dernières années, la partie occidentale est en revanche une terra quasi incognita » relève Vladimir Komissarov. « La région dénombre une bonne cinquantaine de 5 000 mètres, dont la majorité est encore restée vierge de toute ascension, répartis à parts égales entre les territoires kirghize et tadjik » poursuit le même auteur. 

Les cartes soviétiques en référence 15 de la bibliographie, celles en référence 14, et les cartes spatiales en référence 16, confirment la présence de nombreux « 5 000 », la plupart vierges selon Vladimir Komissarov.

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En ce qui concerne l’accès, Jean Vernet avait emprunté une piste nord-sud. Elle permettait autrefois de rejoindre le col Ters Agar, et, depuis celui-ci, les pâturages d’Altyn Mazar. Le topo de Vladimir Komissarov mentionne aussi cette piste. À Altyn Mazar se trouvait une station soviétique, de « météorologie » pour le premier, de « transmission » selon  le second. 

Mais aujourd’hui, cette piste est-elle toujours praticable ? Après des chutes de pluie, n’est-elle pas enfouie sous les eaux des rivières qu’elle longe ? Cela doit être vérifié sur place. À défaut, pas d’autre solution que de parcourir à pied tout ou partie de la quarantaine de kilomètres qui séparent le village de Daroot Korgon au nord, du fond de la vallée au sud, à la frontière tadjike — si on se rend dans cette vallée, autant aller à son extrémité sud — et, si possible, louer des chevaux pour le transport de la logistique.

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Ma décision est prise, je vais me rendre dans cette vallée de l’Altyn Daria, située dans la partie Ouest de la chaîne du Trans Alaï, afin d’y tenter au moins un de ses 5000 vierges. 

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Le lieu géographique étant choisi, je décide de repartir avec Nikolaï Totmianin, très fort alpiniste russe et guide de Saint Pétersbourg, avec qui j’avais réalisé l’expédition de 2014 dans la vallée Kichkesuu - par son intermédiaire, nous obtenons quelques informations complémentaires de part de V. Komissarov qui concernent les sommets de cette vallée Altyn Daria.

Le choix se porte alors sur une vallée glaciaire, où coule la rivière Bel Uluu, orientée est-ouest. Elle se jette dans l'Altyn Daria, et est située à proximité du col Ters Agar et de la frontière avec le Tadjikistan. Dans cette vallée Bel-Ullu, tous les sommets sont vierges, dont notamment 4 sommets de plus de 5000 m. J. Vernet constatait que les glaciers y sont, je le cite, « modestes » ; or le glacier Bel Uluu parait relativement fourni, si on se réfère aux cartes spatiales.

Pour la logistique, un kirghize nous conduira avec un 4X4 jusqu’au dernier point praticable en véhicule - si tout se passe bien et que l'itinéraire est praticable, jusqu'à l'intersection des vallées Altyn Daria et Bel Uluu. J'espérais retrouver Sacha, notre conducteur de 2014, que j'avais bien apprécié - je lui avais d'ailleurs envoyé une bouteille de champagne qui avait mis plus de 2 mois à arriver - mais il n'est pas libre dans ce créneau.

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Après deux expéditions dans cette chaîne Trans Alaï, je vais retrouver l’ambiance des montagnes kirghizes. Une ambiance parfaitement décrite par Tchinguiz Aïmatov dans son roman Adieu Goulsary. Tchinguiz Aïmatov (1928-2008) était un écrivain soviétique originaire de la République autonome soviétique de Kirghizstan ; son grand-père était un berger nomade, et son père, haut fonctionnaire soviétique, fut exécuté à 35 ans lors des purges staliniennes. Ecrivain parmi les plus prestigieux d’URSS, il remporta en 1963 le prix Lénine. Dans son roman Adieu Goulsary, l’écrivain nous livre, au travers d’un superbe témoignage d’amour d’un berger kirghize pour son cheval, un hymne au cheval kirghize, le compagnon de vie de ce peuple nomade qui reste l’un des plus anciens peuples cavaliers au monde.

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Depuis le village de Daroot Korgon : la vallée Altyn Daria et la vallée Bel Uluu.

Notre destination : la vallée de la rivière Bel Uluu. Cette rivière est alimentée par le glacier du même nom, et se jette dans l’Altyn Daria. La frontière Kirghizstan – Tadjikistan est en jaune, sur la ligne de crête de la chaîne Trans Alaï. À l’embranchement des deux vallées, Altyn Daria et Bel Uluu, nous devrions installer notre camp de base. Notre objectif : l’ascension d’au moins un des quatre « 5 000 » vierges de la vallée Bel Uluu.

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Déroulement général prévu

29 août. Arrivée à Och, deuxième ville du Kirghizstan (environ 282 000 habitants), située à l’ouest de ce pays, dans la vallée de Ferghana, à proximité de la frontière avec l’Ouzbékistan.

1er septembre Départ en 4X4 avec Nikolaï et notre conducteur kirghize. Depuis Och, déplacement par la route M41 jusqu’au village de Sari Tash, à 186 kilomètres au sud-sud-est d’Och. Puis, par la route A372 jusqu’à Daroot Korgon, à 90 kilomètres à l’ouest d’Osh. Daroot Korgon est un village de la vallée de l’Alaï, capitale du district de Chong-Alay dans la région d’Osh. Nuit à Daroot Korgon, a priori chez l’habitant.

2 septembre. Déplacement vers le sud, depuis Daroot Korgon, dans la vallée de l’Altyn Daria, le long de la rivière du même nom, et via le village du Kara-Shivak - situé à trois kilomètres au sud de Darrot Kogron - jusqu’à un camp de base (CB). En véhicule, dans le cas où la piste est franchissable. Sinon, à pied, en espérant qu’on pourra louer les chevaux pour le transport logistique – il faudra alors deux jours. Le lieu du camp de base est à déterminer sur place, a priori à proximité de l’entrée de la vallée glaciaire Bel Uluu.

Du 2 au 13 septembre. Acclimatation, reconnaissances vallée glaciaire Bel Uluu, choix sommet(s), tentative(s) d’ascension(s). On devrait installer un Camp 1 sur le glacier Bel Uluu ou à son pied, le lieu sera déterminé sur place.

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Projet de baptême de sommet ou d'itinéraire vierge

Si nous atteignons notre objectif de gravir un sommet ou un itinéraire nouveau, si notamment la météo et les conditions nous sont favorables, je prévois, avec l’accord de Nikolaï, de le dédier à Espérance, 2 ans, atteinte d’arthrogrypose et, à travers Espérance, à ses parents. Ainsi qu’à toutes les personnes atteintes par l’une des maladies exprimées par ce syndrome.

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Action d'entraide associée

Je prévois de réaliser un film sur cette expédition. Il sera présenté lors d’au moins une ciné-conférence bénévole au profit intégral d’un projet d’entraide à décider. Dans la continuité des actions que j’ai montées depuis 2009, voir les Ciné-conférences bénévoles, et par exemple, Ciné-conférence Lyon 26 janvier 2019.

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La chaîne Trans Alaï

La chaîne Trans Alaï, aussi chaînon Trans-Alaï ou aussi crête appelée Zaalayskiy, notre destination, est située à la frontière entre le Kirghizstan, le Tadjikistan et la région autonome ouïgoure du Xinjiang en Chine ; elle se partage entre ces trois pays. 

Nous nous rendrons dans sa partie nord, située au Kirghizstan. Le Kirghizstan est l’un des cinq pays qui constituent l’Asie centrale (voir annexe 1). Pays presque entièrement montagneux, le Kirghizstan ne compte pas moins de 32 chaînes de montagnes. Ces dernières se regroupent dans deux grands ensembles montagneux, le massif Pamir à son sud, et surtout les monts Tien Shan — les monts Célestes en langue française — et occupent la plus grande superficie du pays. Par ailleurs, la chaîne Trans Alaï est intégrée dans le massif de montagnes du Pamir (voir annexe 2), dont elle constitue sa partie nord.

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La partie kirghize de la chaîne Trans Alaï longe, à son sud, la gigantesque vallée de l’Alaï. Cette vallée abrite la rivière Kyzyl-Sou. Cette dernière se prolonge au Tadjikistan en prenant le nom de Vakhch, puis se jette dans l’Amou-Daria. À partir de Sary-Tash, et jusqu’à Daroot Korgon, nous emprunterons la route A372 qui longe cette rivière.

Rappelons que les fleuvesAmou-Daria, ainsi que le Syr-Daria à son nord, alimentent la mer d’Aral. La mer d’Aral était encore, en 1960, la quatrième plus vaste mer intérieure de la planète. Le détournement par les Soviétiques de ces deux fleuves, à des fins d’irrigation pour développer la culture du coton en Ouzbékistan et au Kazakhstan, a provoqué un assèchement de la mer d’Aral. De ce fait, elle a perdu une grande partie de sa superficie. Début des années 2000, des travaux d’aménagement ont été entrepris pour la préserver de son assèchement, tel le barrage de Kokaral sur la petite mer d’Aral.

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La vallée d’Alaï longe, à son sud, les monts Alaï. Ceux-ci constituent la limite sud des monts Tian Shan. Ils sont orientés est-ouest, et se prolongent à l’ouest, tout d’abord au Tadjikistan, puis en Ouzbékistan, par deux chaînes de montagnes séparées par la rivière Zeravchan, les monts Turkestan au nord et les monts Zeravchan au sud.

Plus au nord des monts Alaï et Turkestan, on trouve la fertile vallée de la Ferghana.

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Le sommet le plus élevé du Trans Alaï est le pic Lénine (7 134 mètres), rebaptisé en 2006 pic Abu Ali Ibn Sina par le Tadjikistan. Il se gravit depuis le camp de base international d’Achik-Tash. 

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La partie orientale de la chaîne du Trans Alaï s’étend du pic Lénine jusqu’à la frontière avec la Chine. Elle a été progressivement explorée à partir des années 1990 et 2000, et selon Vladimir Komissarov, « on peut considérer que tous les 6000 ont été gravis, mais il reste une abondance de routes glaciaires et notamment un nombre conséquent de pics vierges de 4 000 à 6 000 mètres de haut, dont une dizaine de 5 000 probablement ».

Lors de l’expédition de 2014, je m’étais rendu dans cette partie orientale du Trans Alaï kirghize, à l’est de la route M41, au sein d’une vallée encore peu visitée, appelée Kichkesuu. Orientée nord-sud, elle aboutit à son sud à la frontière tadjike. Voir Carnet d’expédition 2014.

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La partie ouest, à partir du col Ters Agar est, quant à elle, très peu explorée. « Si la crête orientale sino-kirghize est fréquentée épisodiquement ces dernières années, la partie la plus occidentale est quasiment terra incognita ». « Une zone qui recèle des potentialités extraordinaires d’ascensions d’alpinisme » dont « une bonne cinquantaine de 5 000, dont l’immense majorité est encore vierge ». Voir Bibliographie, référence 2. Le plus haut sommet de cette partie occidentale de la chaîne du Trans Alaï est le pic du Sat (5 900 mètres), déjà gravi. 

Et, pour cette expédition à venir de septembre 2019, c’est dans cette partie ouest du Trans Alaï kirghize que nous allons nous rendre, plus précisément dans la vallée de l’Altyn Daria.

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La vallée de l’Altyn Daria est située dans cette zone occidentale de la chaîne du Trans Alaï. Orientée nord-sud, elle aboutit, à son sud, au col du Ters Agar, puis à la frontière avec le Tadjikistan. Elle est traversée par une piste 4X4. Cette piste autrefois empruntée pour rejoindre les alpages situés juste au sud de la frontière tadjike, à l’embouchure de la rivière Muksu.

De cette vallée principale Altyn Daria, un certain nombre de vallées partent vers l’est et l’ouest, dont la vallée Bel Uluu. La plupart inexplorées, elles sont dominées par de nombreux sommets « 4000 » et « 5000 », quasiment tous vierges d’ascensions. J’ai pu consulter une carte qui indiquait que, dans la partie ouest de la vallée de l’Altyn Daria, seulement trois des nombreux sommets de plus de 5000 n’avaient été gravis. 

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Annexes – Informations générales sur l’Asie centrale et le Pamir

 Ci-dessous, des informations générales sur l’Asie centrale et le Pamir. L’objectif n’est nullement, ici, de faire un exposé sur ces deux entités. Non, il s’agit, pour moi, uniquement de rassembler des informations, certainement incomplètes, que j’ai pu collecter au gré des lectures, et que j’ai sélectionnées, parmi d’autres, notamment géographiques, afin de les coucher sur le papier. Ceci afin de préparer cette expédition, une aventure qui va se dérouler dans un coin bien éloigné du nôtre, et ce sur tous les plans, géographique, culturel, historique, social…

Annexe 1. L’Asie centrale

Tous les géographes ne s’accordent pas sur les limites de l’Asie centrale, mais d’un point de vue historique, il semble qu’on peut dire que l’Asie centrale est constituée du rassemblement des anciens Turkestan russe et chinois. Elle désignerait ainsi un espace très vaste qui s’étend du Caucase, jusqu’au Xinjiang.

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Au XIXe siècle, la région était le lieu de tensions entre les empires russe et britannique des Indes, ce que l’on a appelé le « Grand jeu » ; une région tampon avait alors été créée en Afghanistan, le corridor de Wakhan. 

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L’Asie centrale comprend cinq pays, dont les noms se terminent par stan — en langue turque « le pays ». Ce sont le Kirghizstan, le pays des Kirghizes, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, et le Tadjikistan. 

Les principaux groupes ethniques de cette région sont principalement turcophones — les Ouzbeks, les Kazakhs, les Kirghizes, les Turkmènes, les Ouïgours — et iranophones — les Tadjiks. 

L’Asie centrale est un espace majoritairement musulman, et plus précisément musulman soufi.

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Les pays d’Asie centrale sont d’anciennes républiques soviétiques. Elles ont retrouvé leur indépendance en 1991. L’indépendance a abouti à une fragmentation, et un morcellement de cet espace régional.

En effet, ces pays subissent, depuis leur accès à l’indépendance, les conséquences d’un découpage frontalier, particulièrement complexe, de la région, tracé délibérément par Staline dans les années 1930, et comprenant notamment la création d’enclaves composées d’ethnies différentes et opposées à celles des pays où elles se trouvent. 

Par exemple, concernant le Ferghana, l’indépendance a conduit à l’apparition de trois Ferghana distincts. Le bassin du Ferghana, entouré de montagnes, est une oasis très fertile. Il est le plus adapté d’Asie centrale à la production agricole. Compartiment très densément peuplé d’ethnies diverses, il se partage entre l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Depuis 1991, il subit les conséquences d’un découpage de la région, héritage de l’ère soviétique, qui comprend notamment la création d’enclaves d’ethnies aux intérêts divergents à ceux des pays voisins. On dénombre ainsi une dizaine d’enclaves dans le Ferghana, dont les plus importantes, Sokh, Chakhimardan, et Vorukh, sont situées au Kirghizstan, et rattachées à l’Ouzbékistan pour les deux premières, et au Tadjikistan pour la dernière. 

Suite à l’indépendance, des conflits intercommunautaires entre Kirghizes, Ouzbeks et Tadjiks ont éclaté dans les enclaves. Lire par exemple :  Un nouveau conflit éclate autour de l’enclave de Vorukh entre Tadjikistan et Kirghizstan

Les pays limitrophes, non sans difficultés, tentent néanmoins d’y trouver des solutions, lire : Le Kirghizstan va donner une enclave à l’Ouzbékistan dans la vallée du Ferghana à suivre l’évolution de cette initiative.

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Outre la problématique des frontières, la question de l’approvisionnement en eau est une autre cause de tensions dans cette région, et ce d’autant plus que cette dernière connait une forte poussée démographique. Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale étaient autrefois contrôlées par Moscou, qui exigeait que leurs ressources soient partagées. Aujourd’hui, elles se déchirent pour le contrôle de la plus importante d’entre elles : l’eau. Les politiques catastrophiques menées sous l’URSS pour doper l’agriculture ont conduit à des désastres écologiques. La mer d’Aral est ainsi sur le point de disparaître totalement. 

L’Asie centrale est un espace géographique hétérogène sur le plan économique — deux pays y prospèrent, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan — et, en conséquence, avec de fortes différences de niveau de vie. 

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L’Asie centrale est une région relativement instable où les sources potentielles de tensions sont sensibles, tels le tracé des frontières, l’eau, les différences de niveau de vie…

Mais c’est aussi une région particulièrement riche — l’Ouzbékistan est l’un des principaux producteurs de coton. Elle regorge de ressources naturelles tels le pétrole et le gaz naturel. De ce fait, elle reste une région convoitée, notamment par la Russie, qui l’a toujours considéré, depuis Catherine II, comme son « pré carré ».

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Annexe 2. Le Pamir

Le Pamir est un massif de hautes montagnes, situé en Asie centrale: Carte générale du Pamir

Centré sur le Tadjikistan, plus précisément sa province du Haut-Badackshan, le Pamir s’étend sur environ 500 kilomètres d’est en ouest, et 300 kilomètres du nord au sud. Il déborde au nord au Kirghizstan, à l’est dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang en Chine, et au sud en Afghanistan.

On désigne aussi par Pamir les sept à huit principales vallées glaciaires situées entre les chaînons de montagne du Pamir.

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Le Pamir, dont le nom primitif se traduit en langue française par « toit du monde », est effectivement une sorte de toit, sous forme d’un immense plateau d’où émergent des chaînes de montagnes. Il est situé à la jonction des principaux systèmes orographiques d’Asie centrale et du Tibet, à savoir :

Au nord : les monts Tian Shan, ou monts Célestes, d’environ 2 500 kilomètres de long sur une largeur entre 320 et 400 kilomètres, sont situés au Kirghizstan. Ils débordent au sud-est du Kazakhstan, et sur la région autonome ouïgoure du Xinjiang en Chine. À l’endroit où le Kazakhstan, le Kirghizstan et la Chine se rejoignent, se trouvent les plus hauts sommets, notamment le pic Pobedy (7 439 mètres), point culminant, et aussi le Khan-Tengri (6 995 mètres). Un des itinéraires de la route de la soie passait par le sud de cette chaîne Trans Alaï au nord du désert du Taklamakan.

À l’est : le Kunlun, massif montagneux situé entre le désert du Taklamakan et le plateau tibétain. Composée de sommets entre 6 000 et 7 000 mètres d’altitude, et de cols et vallées de plus de 5 000 mètres, la région du Kunlun est inhabitée.

Au sud : le Karakorum, chaîne de montagnes de 500 kilomètres de long. Le Karakorum prolonge l’Himalaya à l’ouest, et est situé au nord du Pakistan, à la frontière entre le Pakistan, l’Inde et la Chine. On y trouve le K2, deuxième sommet du monde. Plus de 135 glaciers, 8 de plus de 50 kilomètres, dont le Siachen (75 kilomètres) et le Baltoro (57 kilomètres), constituent un stock d’eau primordial pour le Pakistan, en alimentant notamment le fleuve Indus.

Au sud-ouest : l’Hindou Kouch, chaîne centrée sur l’Afghanistan. L’Hindou Kouch déborde à l’est au Pakistan. Le plus haut sommet est le Trich Mir (7 708 mètres), situé au Pakistan. Une des antiques routes de la soie traversait l’Hindou Kouch.

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Le Pamir est délimité :

Au sud par le corridor de Wakhan, aussi surnommé, compte tenu de sa forme, « queue de poêle » ou « bec de canard ». Il est situé en Afghanistan, où s’écoule le Wakhan-Daria, prolongé par le Piandj. Étroit corridor de 200 kilomètres de long, est–ouest, sur 30 et 60 kilomètres de large, il est limité au nord par le Tadjikistan, au sud par le Pakistan, et à l’est par la Chine. Le corridor de Wakhan a été créé à la fin du XIXe siècle par les Britanniques comme zone tampon lors de la période de tension, baptisée « le Grand jeu », entre la Russie et l’Inde.

Au nord par la vallée d’Alaï, où coule la rivière Kyzyl-Sou. Cette vallée longe à son nord la chaîne de Trans Alaï. 

À l’est : la frontière à l’est est plus floue. Les uns la font passer au niveau d’une large faille empruntée par la route du Karakorum, les autres la repoussent entre 150 et 200 kilomètres plus à l’est – le chaînon Kashgar est considéré soit comme une zone de transition avec le Pamir, soit comme une partie intégrante du Kunlun. L’encyclopédie soviétique marque la limite orientale au chaînon Sarikol. 

À l’ouest où le relief décroît, la limite n’est pas précisément définie. Selon l’encyclopédie soviétique, le Pamir inclut, au nord-ouest, les parties orientales des chaînons Pierre Ier et Darvaz. 

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Le Pamir est composé de chaînons de montagnes orientés pour la plupart est-ouest. Ces montagnes sont issues de nombreux glaciers — notamment le Fedtchenko dans le chaînon de l’Académie des Sciences au Tadjikistan, 77 kilomètres de long, le plus grand glacier du monde. 

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Le Pamir est centré sur la province autonome du Haut)Badakchan, située à l’est du Tadjikistan. Il est découpé en sept raions (le raion, terme utilisé par les Soviétiques, est une subdivision territoriale) : Darvaz, Vanch, Rushan, Shugnan, Roshtkala, Ishkashim et Murghab. Il déborde sur une partie de sa province tadjike voisine — sur l’oblast (terme créé au XVIIe siècle en Russie, arrivé au Kirghizstan lors de l’ère soviétique ;c’est une unité administrative de type région, qui est divisée en raion) d’Och au sud du Kirghizstan,sur la province du Badakchan au nord-est de l’Afghanistan,sur la région autonome du Xinjiang en Chine.

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Le Pamir est habité majoritairement par les Tadjiks, à l’ouest et au sud, et par les Kirghizes, au nord et à l’est, qui se sont installés dans la région respectivement au IIe siècle et au XVIe siècle. Dès l’Antiquité, des itinéraires secondaires de la route de la soie traversaient la région. Peuple cavalier nomade à la culture riche en traditions, les Kirghizes emmènent paître, durant l’été, leurs troupeaux de moutons, de bovins, de yaks et de chevaux, notamment le cheval kirghize tacheté appelé tcharat, dans des vallées fertiles du Pamir; ils redescendent dans les villes et villages pour l’hiver. Lors de la période soviétique, ils ont été contraints de se sédentariser ; mais dès 1991, très attachés à leurs traditions, ils reprennent leur vie nomade.

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Bibliographie

Ci-dessous quelques références, parmi d’autres, qui m’ont aidé à préparer cette expédition.

- Nos amies les cimes, récits de montagne, Jean Vernet, éd. Serre, 1987, p. 447 à 488.

- Guide de l’alpinisme au Kirghizstan, Vladimir Komissarov, traduit de l’anglais par Henri Lévêque, , éd. 2018. Cliquer : Guide de l’Alpinisme au Kirghizstan par Vladimir Komissarov p. 252 à 254.

- Annales de géographie, 1901. Article p. 148 à 164 — Transalaï et Pamirs. Georges Saint-Yves — géographe et archéologue, chargé de mission dans le Turkestan russe (1896) et dans le Turkestan chinois (1899), membre de la Société de géographie de Marseille.

- Asie centrale,a dérive autoritaire, cinq républiques entre héritage soviétique, dictature et islam. Marlène Laruelle – Sébastien Peyrouse. Collection CERI, éd. Autrement, 2006.

- Adieu Goulsary, Tchinguiz Aïtmatov (écrivain soviétique d’origine kirghize), traduction du kirghiz par Lily Denis,, éd. du Rocher, 2012 pour l’édition française.

- Le Grand Jeu, Officiers et espions en Asie centrale, Peter Hopkirk, éd. Nevicata, 2011.

- La dernière caravane, Pamir Afghan (1967-1971), Roland et Sabrina Michaud. éd. Nevicata. 2019.

- Wikipédia, en particulier sur l’Asie centrale et le Pamir.

- Petit Futé, Kirghizstan, 2010-2011.

- Pamir, François Valla, Jean-Paul Zuanon, éd. de l’mprimerie Sogirep, 38 420 Domène, 1976.

- Émissions TV, notamment émissions Le Dessous des cartes, de Jean-Christophe Victor.

- Exposé sur l’Asie centrale d’Emmanuel Lincot, professeur des universités.

- Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien (CEMOTI), n° 35, 2003, pp. 28-39. Enclaves et enclavement dans le Ferghana postsoviétique, Julien Thorez. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01375995/document

- L’espace politique, Ferghana les étapes d’une matérialisation frontalière entre intention et réalité,Isabella Damiani. https://journals.openedition.org/espacepolitique/2651?lang=en

- Site de l’Ambassade de France au Kirghizstan. https://kg.ambafrance.org/

- Tamerlan, Jean-Paul Roux, éd. Fayard, 1991.

- Histoire des grands Monghols, Babur, Jean-Paul Roux,éd. Fayard, 1986.

Cartes

- Cartes spatiales qui permettent de visualiser le logiciel Google Earth. 

- Cartes soviétiques 1 / 100 000 et 1 / 50 000. 

- Cartes du Guide de l’alpinisme au Kirghizstan, Vladimir Komissarov. (voir liste ci-dessus).

- Central Asia, 1 / 500 000, Pamir West, Afghanistan, Kyrgyzstan, Tadjikistan. 

Henry Bizot