Ciné-conférence à Paris, le 3 février 2024




28 octobre. Coyhaique


En fin d’après-midi, arrivée à l’aéroport de Balmaceda, un coin perdu du bout du monde, après un atterrissage quelque peu chahuté par les vents… La Patagonie tient à se rappeler à notre bon souvenir. 

Je monte dans un minibus public qui se rend à Coyhaique, ville située à une soixantaine de kilomètres au nord-nord-est, la capitale de l’Aysén

Le temps est correct, avec du soleil qui perce à travers les nuages, du vent, et une température relativement fraîche.

 Le petit aéroport de Balmaceda est situé à proximité de la frontière avec l’Argentine, et d’un passage entre les deux pays, appelé Paso Huemules. 

L’huemul est un cerf qui vit dans les Andes de la Patagonie chilienne et argentine, une espèce en voie de disparition, en raison des activités humaines telle la déforestation, et qui est dorénavant protégée dans des parcs nationaux. L’animal a aussi donné son nom à un sommet de la région d’El Chalten que j’avais envisagé lors de l’expédition de 2015. 

José Manuel Balmaceda est, quant à lui, un président qui a dirigé le Chili de 1886 à 1891, mais qui a eu une fin malheureuse, puisqu’il s’est suicidé suite à la défaite de son clan lors de la guerre civile qui a ravagé le pays en 1981.

Les cols permettant les échanges entre ces deux pays, le Chili et l’Argentine, sont importants pour le développement de cette région, tout du moins ils l’ont été fortement dans le passé, comme me le précisera le chauffeur du bus. Nous nous trouvons en effet dans l’Aysén, une région qui a longtemps été très isolée,  ayant pâtie, depuis sa colonisation au début du XXe siècle jusqu’aux années 1980, de ses difficultés d’accès et de sa pauvreté en infrastructures. Les colons arrivaient alors de l’Est par l’Argentine. De plus, les approvisionnements des habitants dépendaient fortement de l’Argentine. 

Au cours des dernières décennies, l’ouverture de routes maritimes, et aussi de la route Australe en 1986 par Pinochet, a permis à la région de se développer, néanmoins elle continue à souffrir de son enclavement, et reste, avec ses 106 000 habitants pour 108 494 km², la moins peuplée du Chili.

Les paysages que nous traversons sont vallonnés et très accidentés, composés de prairies couvertes d’arbres morts et de souches, et de quelques forêts éparses de conifères et d’arbres à feuilles caduques, les lengas et aussi les ñires, deux types d’arbres que j’avais découverts lors de l’expédition de 2015 du côté d’El Chalten.

Au loin, des éclaircies nous permettent de découvrir des chaînes de montagnes qui barrent l’horizon. Leurs sommets enneigés nous rappellent que nous sommes dans l’hémisphère sud, et qu’octobre est la saison du printemps.

Dans l’Aysén, contrairement au reste du pays, la chaîne des Andes est située au Chili et de ce fait ne constitue pas la frontière entre le Chili et l’Argentine.

De nombreux troupeaux de vaches paissent au sein d’enclos, de part et d’autre de la route. L’élevage bovin est une activité majeure de la région. Des estencias composées de bâtisses en bois de couleur nous rappellent que l’homme est bien présent dans cette nature grandiose mais fragile, une nature qu’il a apprivoisée, conquise, parfois à son détriment, comme ce fut le cas avec les incendies allumés par les colons en 1937 et destinés à déboiser les terres qu’ils avaient reçues dans le cadre d’une loi de colonisation. 

Un véritable désastre écologique, qui pourrait se réitérer sous une tout autre forme, de bien plus grande ampleur, si un projet énergétique de gigantesques centrales hydroélectriques sur la région de l’Aysén voyait le jour.

Nous pénétrons dans une bourgade de petites maisons basses ou à un étage, en bois de diverses couleurs, accolées les unes aux autres. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais nous sommes à Coyhaique… Cette ville dans laquelle nous venons d’entrer, qui paraît petite, est bien la capitale de la région de l’Aysén ; le propriétaire de l’habitation où je logerai me donnera le chiffre de 60 000 habitants. Le chauffeur du bus dépose chaque personne à son domicile. 

Je vais loger ces deux prochains jours dans un lodge chez l’habitant, en attendant l’arrivée de Gabriel, qui va faire une très longue route depuis San Juan en Argentine.

Le lodge est du même type que les autres habitations de la ville, petit, en bois de couleur bleue ; à un étage, sur chaque palier le chauffage est assuré par un chauffage au bois. Le propriétaire, un septuagénaire sympathique, m’emmène faire un tour à pied rapide en ville. Petit problème : il ne parle ni l’anglais ni le français, et me concernant je ne parle pas l’espagnol, mais les moyens techniques modernes nous sont d’un grand secours, et nous échangeons via le traducteur de son portable. Je me rendrai compte rapidement que dans cette petite ville perdue dans les fins fonds de la Patagonie, il est difficile de trouver des Chiliens qui parlent une autre langue que l’espagnol.